Maurice Allais a consacré une grande partie de sa vie à ses multiples activités d’enseignement qu’il jugeait particulièrement enrichissantes. Il appréciait beaucoup les échanges stimulants avec les jeunes dans le cadre de ces activités.
Il a été professeur d’économie à l’Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris pendant plus de 40 années, de 1944 à 1988, et était profondément attaché à cette école où il dirigeait depuis 1946 le Centre d’Analyse Economique, centre de recherche doublement rattaché au CNRS et à l’Ecole des Mines. Sa forte personnalité a laissé un souvenir marquant à de nombreuses générations d’élèves de l’Ecole des Mines.
Il a également enseigné dans plusieurs autres établissements d’enseignement supérieur, en France ou à l’étranger :
- de 1947 à 1968, il est professeur d’économie théorique à l’Institut de Statistique de l’Université de Paris ;
- en 1958-1959, il est « Distinguished Visiting Scholar » au Centre Thomas Jefferson de l’Université de Virginie aux Etats-Unis ;
- de 1967 à 1970, il est professeur d’économie à l’Institut des Hautes Etudes Internationales de Genève ;
- de 1970 à 1985, il enseigne en binôme avec son épouse Jacqueline* à l’Université de Paris X- Nanterre, où il dirige le Centre Clément Juglar d’Analyse monétaire.
Tout au long de sa carrière, il a donné de nombreuses conférences et séminaires dans des universités étrangères et participé à de multiples colloques internationaux.
* En complément de l’enseignement de Maurice Allais à l’Ecole des Mines, Jacqueline Allais y animera ensuite des « petites classes » de 1980 à 1988.
La conception qu’avait Maurice Allais de l’enseignement scientifique
« Tout d’abord, l’enseignement doit se fonder sur le concret. L’abstraction est certes indispensable, mais elle ne peut se justifier que dans la mesure où elle prend appui sur le concret et où elle prépare l’explication des phénomènes ou leur utilisation. (…)
« Pour être efficace, tout enseignement doit être accompagné de vues d’ensemble, dégageant les lignes directrices (…)
« Tout enseignement doit également être accompagné d’analyses critiques sur la signification et la portée des expériences et des modèles et des théories qui les représentent (…)
« L’enseignement des mathématiques doit les présenter comme un outil pour explorer le réel. (…)
« Un enseignement ne peut être efficace que s’il est accompagné de cours écrits et si les heures d’enseignement sont presque exclusivement consacrées à des commentaires sur les cours écrits et à des échanges de vues avec les étudiants.
« En fait, le seul avantage réel de l’enseignement oral, c’est la présence d’un maître qui peut répondre aux questions des étudiants et leur commenter les difficultés des sujets traités. (…)
« L’objet essentiel de tout enseignement, c’est de mettre les étudiants en mesure de pouvoir étudier à fond et efficacement toute question que leur profession les amènera à traiter au cours de leur carrière. (…) »
(Extraits d’ « Une éducation pour le XXIème siècle – La formation scientifique », Revue de l’AMOPA (Association des Membres de l’Ordre des Palmes Académiques)
n°138 – septembre 1997)
Un pédagogue ouvert aux débats de son temps : le succès du GRECS
Maurice Allais a prolongé son activité d’enseignement ex cathedra de manière plus informelle dans le cadre du Groupe de recherches économiques et sociales (GRECS), qu’il avait fondé avec Auguste Detoeuf, disparu prématurément en 1947, et qu’il a présidé de 1945 à 1969.
Le GRECS organisait régulièrement des conférences animées par des personnalités représentatives des opinions les plus diverses dans les différents secteurs de l’activité économique : ingénieurs, universitaires, hommes d’affaires, syndicalistes, hommes politiques. Toutes les grandes questions d’actualité de l’après-guerre y ont été traitées.
Pendant neuf ans, de 1945 à 1953, les réunions du GRECS ont eu lieu dans la salle du premier étage du Café Saint-Sulpice. Selon le souvenir unanime de tous les participants à ces réunions, il y régnait une extraordinaire atmosphère. D’une vingtaine de membres au départ, le nombre des participants a dépassé 40 en 1946, puis atteint 80 par la suite. Les exposés commençaient à 19 h 45 et les débats souvent passionnés se poursuivaient jusqu’à 23 h 45 avec une interruption d’une vingtaine de minutes après les exposés, au cours desquelles les participants (composés pour environ un tiers d’étudiants et pour deux tiers de personnalités extérieures) commandaient des consommations.
A partir de 1953, en raison notamment de l’insuffisance du local du Café Saint-Sulpice, les réunions du GRECS se sont déplacées dans l’ex-amphi B de l’Ecole des Mines. L’atmosphère s’est quelque peu modifiée, mais l’intérêt et la passion se sont maintenus. Lors de certaines séances, l’assistance dépassait la centaine de personnes et comme auparavant au Café Saint-Sulpice, un certain nombre de participants devaient rester debout. Les discussions se poursuivaient souvent tard dans la nuit dans les cafés du quartier.