En alternance avec le Prix Maurice Allais de Science Economique, la Fondation Maurice Allais sous égide de la Fondation Mines Paris a décidé d’organiser tous les deux ans des rencontres entre personnalités académiques et responsables économiques de haut niveau, en charge de politiques publiques comme d’entreprises privées ou publiques, pour mieux éclairer les uns et les autres sur la marche et l’avenir de notre monde économique et social.
Ces Ateliers Maurice Allais se situent dans la continuité de la démarche scientifique du Professeur Allais, qui avait toujours cherché à favoriser le dialogue entre praticiens et théoriciens de l’économie, notamment au sein du Groupe de Recherches Economiques et Sociales, le G.R.E.C.S, qu’il présida de 1945 à 1969 (cliquez ici pour en savoir plus).
Ils seront consacrés à des thèmes d’une grande portée pour nos économies du XXIème siècle, qui pour beaucoup d’entre eux ont déjà été abordés par les travaux de Maurice Allais. Les Ateliers Maurice Allais contribueront ainsi à mieux faire connaître l’œuvre du Prix Nobel d’Economie 1988 et à s’en inspirer pour nourrir la réflexion sur les débats économiques contemporains.
Atelier Maurice Allais
du 1er juin 2018 à MINES ParisTech
« De nouvelles stratégies pour l’Europe de demain ? »
Le Projet européen de Robert Schuman et des Pères fondateurs n’a jamais été aussi menacé de perte de sens, et donc de lente dissolution, qu’aujourd’hui. Dans les temps troublés et violents que nous vivons, n’y aurait-il donc rien à attendre de ce que Maurice Allais et d’autres visionnaires des années Cinquante auront vu comme la plus extraordinaire tentative du XXème siècle, qu’ils ont pourtant jugée réaliste à l’époque ?
L’Atelier Maurice Allais 2018, organisé par la Fondation Maurice Allais sous égide de la Fondation Mines Paris, vise à soulever ces questions de façon aussi pragmatique que possible, loin de toute emprise idéologique, et à proposer en conséquence les attitudes les plus susceptibles de sauvegarder les intérêts de nos concitoyens.
La monnaie unique n’est-elle qu’une source d’ennuis et de pertes économiques ? Les écarts de structure économique entre partenaires – l’Allemagne et la France au premier rang – seront-ils fatals à la Zone Euro ? Ou celle-ci peut-elle être transformée dans le sens d’un intérêt général des pays membres que l’on pourra définir?
Les Traités européens n’auraient-ils été que des compromis entre arrière-pensées mal identifiées ? Serions-nous voués de ce fait à voir émerger des désaccords durables entre pays membres de l’Union Européenne ? La culture européenne est-elle un mirage et ne pèsera-t-elle rien vis-à-vis des défis démographiques et religieux qui assaillent notre monde ? Avons-nous correctement pensé la mise en oeuvre du marché unique ? Ou sommes-nous tout simplement myopes quant aux diagnostics que nous formulons, au point de compromettre gravement le succès des entreprises de nos pères et surtout l’avenir de nos enfants et petits-enfants ?
Ces questions ne sont pas pure spéculation, mais ont une importance cruciale pour notre avenir bientôt proche. L’Atelier Maurice Allais 2018 a permis ainsi de dégager les pistes d’un avenir que nous n’apercevons qu’imparfaitement encore.
Selon Bertrand MUNIER, Président du Conseil scientifique de la Fondation Maurice Allais, l’examen des travaux et de la vie de Maurice Allais fournit une méthode pour réexaminer les voies que la construction européenne mérite d’emprunter dans la situation actuelle si difficile. L’opposition de Maurice Allais au Traité de Maastricht n’a pas été motivée par une quelconque réserve vis-à-vis d’un excès d’intégration européenne, mais au contraire par la ferme conviction que davantage d’union politique entre les Européens était nécessaire avant de passer à une monnaie commune. Cette position était prémonitoire, comme les difficultés actuelles le montrent.
« Il faut être réaliste devant les réticences des partenaires de la France en Europe à consentir des mesures d’intégration politique supplémentaire. Rechercher des voies alternatives conduisant à des résultats permettant de conforter la monnaie commune est urgent. S’appuyer sur le partage de souveraineté bancaire et ses compléments peut être une voie précieuse que d’éminents économistes soutiennent aujourd’hui.
« Mettre fin au désordre de la création monétaire actuelle et réinventer le projet européen avec une vision de long terme sont autant de conditions à remplir au moment où les menaces de désintégration qui pèsent sur le projet européen sont plus lourdes qu’elles n’ont jamais été depuis un demi-siècle. »
Pour Agnès BÉNASSY-QUÉRÉ, Présidente déléguée du Conseil d’Analyse Économique et chercheur associé à l’École d’Economie de Paris, des réformes sont indispensables à la consolidation de la zone euro et à l’intégration transnationale des marchés financiers. Il est aussi nécessaire de simplifier et clarifier les différents dispositifs de surveillance des politiques macroéconomiques.
« Le jour où les bilans bancaires sauront résister à une restructuration de dette souveraine, alors le risque résiduel de sortie de l’euro pourra être pleinement couvert par la BCE, laquelle n’encourra plus le risque de sauver des canards boiteux et, in fine, d’enfreindre le traité. Cette approche est ambitieuse, compliquée, mais c’est la seule manière d’assurer aux Européens que jamais aucun mouvement spéculatif ne pourra les priver de la monnaie qui les lie. »
Pour Philippe HERZOG, ancien député européen, acteur et militant de la construction européenne, Président fondateur du cercle de réflexion Confrontations Europe, face à la division entre les nations européennes, la question de la refondation du modèle actuel de l’Union et de ses institutions est au centre des priorités. Ainsi l’unité européenne passe par le rapprochement des pays membres et la formation d’une démocratie transnationale pour surmonter les mouvements eurosceptiques.
« Ce par quoi il faudrait commencer, c’est de définir avec les populations, et non pas sans elles, quelles politiques communes nous voulons partager pour donner chair aux finalités du développement humain et productif en Europe, de la sécurité collective et de son rôle dans le monde. »
Enfin, pour Thierry DE MONTBRIAL, Président Fondateur de l’Ifri, membre de l’Académie des sciences morales et politiques, membre du Conseil scientifique de la Fondation Maurice Allais, la réponse de l’Europe à ses nouveaux défis nécessite de concevoir le présent comme le choc du passé et du futur. Une vision de long terme solide et convaincante est au prix de cet effort de conception. Les recommandations que l’on peut en tirer résident autant dans l’apprentissage des modes de coopérations que dans la création d’un nouveau type d’unité au sein d’une Europe renforcée. Dans la période de mondialisation que nous connaissons, l’idée européenne ne trouvera de solutions qu’à travers le retour d’une légitimité de ses structures de gouvernance.
« L’Union européenne est une construction originale, davantage par la voie qu’elle suit que par son but. La paix du monde dans les décennies qui viennent dépend en grande partie de son développement. Car elle a une capacité de rayonnement économique et culturel sans affirmation de puissance au sens le plus classique du terme. Donc il faut choyer cette Union européenne, la réformer, la renforcer. Et alors, elle pourra exercer un leadership dans la gouvernance mondiale. »